Alors que novembre n’en finissait plus de mourir, par un froid si mordant que sa pipe n’attendait plus qu’un souffle pour se casser, alors que la nuit était installée depuis longtemps sur Tourcoing – et quel plus bel endroit pour prendre ses quartiers d’hiver ! -, un événement particulier allait avoir lieu dans l’austère mais non moins douce cité du Broutteux.
Dans la brume, des femmes, des hommes, souvent jeunes, parfois un peu moins, se pressent devant l’entrée du Grand Mix, petite salle que l’on ne peut remarquer que si elle nous est familière, fumant leurs roulées jusqu’à s’en brûler un peu plus le bout des doigts. Parmi eux, quatre jeunes amis, venus assister à un concert d’un drôle de groupe nommé Mount Kimbie, l’un des derniers concerts dans ce lieu avant une longue hibernation pour cause de travaux.
Si le nom de Mount Kimbie n’évoque rien pour vous, posons un peu le cadre : né quelque part vers 2010 de la collaboration entre deux DJ’s, Dominic Maker et Kai Campos, le groupe anglais pratique d’abord de la dubstep, alors très en vogue à l’époque sur les îles britanniques (on a d’ailleurs fêté cette année le dixième anniversaire de l’album « Untrue » de Burial, considéré comme un graal du genre). Si le premier album reste dans ce mood dubstep, avec des sons tels que « Carbonated », Mount Kimbie s’affirmera comme un groupe pionnier du genre « post-dubstep », qui compte des ambassadeurs tels que Jamie XX, James Blake, SBTRKT ou encore Flux Pavilion et qui se caractérise par des aspects plus expérimentaux et « intersectionnels », reprenant des éléments hip-hop ou trip-hop notamment. En 2013 sort « Cold Spring Fault Less Youth », album qui lancera une veritable hype autour du groupe, avec des tubes tels que « Made to Stray », ou encore le duo avec King Krule intitulé « You Took Your Time ». Après quatre ans de repos relatif, ils étaient attendus au tournant, et ont livré un album de grande facture, « Love What Survives », qui a entraîné une tournée européenne s’achevant justement au Grand Mix de Tourcoing.

Ceci n’est pas un artiste dubstep
Trop occupés à finir des Chimay bleues, du saucisson et des chips, les quatre jeunes gens arrivent en retard et loupent la première partie, et même le début de « Four Years and One Day », première chanson du live qui nous plonge directement dans une ambiance quasi-irréelle. Vient ensuite « Audition », très belle pièce aux accents « coldwave-friendly ».
L’enchaînement avec « Marilyn », sans doute la plus belle chanson du nouvel album, avec ses boucles hypnotiques un peu africanisantes, fait office de véritable taz musical donnant envie de donner beaucoup d’amour à ses voisins. Petite pause dans l’intensité du concert avec « You Look Certain (I’m Not So Sure) », chanson tranquille qui s’écoute en hochant la tête et en répétant le refrain.

Ceci n’est pas un taz musical.
La cinquième chanson du live est également la première ne faisant pas partie du dernier album, puisqu’il s’agit de « Before I Move Off », chanson comportant une boucle de guitare et une boucle de synthé qui rappellerait presque ce bon vieux Ratatat, pas si étonnant pour un morceau sorti en 2010.
« Retour vers le futur » avec « Blue Train Lines », véritable tube du dernier album, chanté sur l’album avec King Krule, entraînant une clameur de bonheur lorsque la salle reconnait les premières notes. Même si l’interprétation est excellente, il manque tout de même la grinta de notre rouquin anglais adoré, qu’on a attendu, en vain. Avec grand bonheur vient ensuite « So Many Time, So Many Ways », présente sur le deuxième album, aux inspirations plus rock, restant très entraînant sans pour autant être festif (la chanson ressemble un peu à « Marilyn » avec des sons plus proches de Joy Division, donc forcément un peu plus mélancolique.
Retour à du dubstep à l’ancienne avec « Field », l’un de leurs tous premiers sons, assez simple, un peu foufou mais efficace.
Alors qu’on pensait finir le concert sur « Delta », et laisser les courageux anglais rejoindre leur pénates après une dure tournée, le public en fusion demanda du rab. Et fut copieusement servi, avec « Maybes », pas la plus connue de leurs chansons, mais peut-être la meilleure interprétation live. Enfin, cerise sur le gâteau, le déjà classique « Made To Stray » abordé plus haut, must have de votre playlist du Nouvel An. Le concert se finit là, nous laissant encore un peu groggy, les oreilles bourdonnantes.

Cette personne n’est pas vraiment « groggy ».
Hormis Eugène, très fan du groupe mais un peu déçu par la prestation, nous étions tous vraiment entraînés par le show. Nous laisserons le mot de la fin à Manon, qui résume de bien jolie manière l’expérience ressentie au sein de son monde intérieur.
« Vous connaissez le concept du paradoxe? Il peut faire surface partout, à tout âge et à n’importe quel moment, c’est ce qu’il s’est passé ce jour, sous mes yeux, et à l’intérieur de mes oreilles. J’ai été submergée par une vague brûlante, adoucie par des bruits assourdissants, j’ai bougé mon corps dans le silence. Mount Kimbie est un de ces groupes qui vous donne envie d’hurler de plaisir et de pleurer, des frissons en même temps. Nostalgie musicale, performances futuristes, en une heure trente : j’ai voyagé dans le temps ».